La scène politique congolaise a connu une nouvelle secousse, cette fois non pas sur le terrain des faits mais dans l’arène des mots. Patrick Nkanga, haut cadre politique et ancien conseiller stratégique du président Joseph Kabila, est monté au créneau ce mardi pour désapprouver avec force les propos tenus récemment par le Vice-Premier Ministre en charge des Transports, Jean-Pierre Bemba.
Dans une déclaration longue, mais lucide et teintée d’une profonde amertume, Nkanga dénonce une dérive langagière inquiétante dans les discours politiques actuels, qu’il qualifie de « bêtise » et de « bassesse jamais atteintes » depuis les premières grandes divergences idéologiques entre Kasa-Vubu et Lumumba, ou encore entre Mobutu et Étienne Tshisekedi.
« Jamais, même au plus fort de l’antagonisme entre Mzee Laurent-Désiré Kabila et le Maréchal Mobutu, on n’avait atteint un tel niveau d’animosité publique. Le respect, malgré les divergences, était un principe cardinal », a-t-il rappelé.
Une pique claire à Jean-Pierre Bemba
Sans le nommer directement dans les premières lignes, Patrick Nkanga pointe clairement Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République et actuel VPM des Transports, accusé d’avoir usé d’un langage injurieux et outrancier à l’endroit de l’ancien Président Joseph Kabila dans une sortie médiatique récente.
« Plusieurs fois, j’ai lu et entendu des propos d’un notable de chez moi, JP Bemba, avec tristesse et inquiétude (…). Hier, c’était le grand chelem, il fallait remporter la coupe de l’invective », lâche-t-il, visiblement outré.
Nkanga dénonce une « stratégie de survie politique » motivée par la volonté de certains ministres de conserver leur place au gouvernement, quitte à sacrifier l’éthique républicaine.
« La nouvelle trouvaille pour faire preuve de loyauté, c’est injurier à tue-tête l’ancien Président de la République (…), tout cela pour préserver des intérêts financiers », accuse-t-il.
Un plaidoyer pour l’élégance politique et le respect mutuel
Revenant sur le discours de Joseph Kabila, Nkanga souligne que ce dernier, bien que farouchement opposé à Félix Tshisekedi, a toujours fait preuve d’élégance, en s’adressant au chef de l’État avec les formes républicaines appropriées.
« Même dans l’opposition, Kabila a parlé du Président actuel. C’est cela, la grandeur dans l’adversité »,insiste-t-il.
Le conseiller déplore également le glissement des hommes politiques vers des rôles informels et populistes, dans lesquels ils deviennent à la fois « agents de l’état civil, chefs des renseignements, procureurs », le tout dans un « sketch télévisé », selon ses propres mots.
L’Église catholique dans le viseur : une ligne rouge franchie ?
Autre point d’indignation soulevé par Nkanga : les récentes accusations portées contre l’Église catholique, accusée d’être partie prenante à des tentatives de déstabilisation. Il y voit un franchissement de ligne rouge inacceptable.
« À ce point !? », s’exclame-t-il. « L’histoire retiendra tous ces faits ».
Une sortie qui résonne comme un appel au retour à la dignité politique
S’exprimant ouvertement comme Équatorien, tout comme Jean-Pierre Bemba, Nkanga rappelle que « la culture de chez lui » n’est pas celle de la flatterie ou de l’insulte, mais celle de la vérité, de la dignité et du respect. Il cite même le patriarche Léon Kengo wa Dondo comme référence morale de cette école politique.
« J’ai eu honte pour notre pays. Les aînés censés poser les bases d’une République plus forte, font tout le contraire », déplore-t-il, avant de conclure :
« Tout en désapprouvant totalement les propos du VPM des Transports, j’en appelle à un climat de sérénité et de responsabilité afin que nous réglions les défis auxquels notre pays fait face. »