Le sujet épineux de la révision ou du changement de la Constitution était l’un des plus attendus lors du discours sur l’état de la Nation prononcé par le président Félix Tshisekedi le 11 décembre 2024, devant le Parlement réuni en Congrès. Contre toute attente, le chef de l’État, connu pour ses déclarations souvent fermes, a opté pour un ton conciliant, alimentant des spéculations sur un éventuel recul ou une nouvelle stratégie.
Un appel à la réflexion nationale
Dans son discours, Félix Tshisekedi a mis en avant les retards liés à la désignation du Premier ministre comme une justification pour ouvrir un débat sur les réformes constitutionnelles. Évitant les termes controversés de « changement » ou « révision », il a préféré parler d’une « réflexion nationale » sur la nécessité de corriger les failles du cadre légal actuel. « Il est peut-être temps d’engager une réflexion nationale sur une réforme constitutionnelle, afin d’éliminer les failles qui ralentissent le fonctionnement de notre appareil étatique », a-t-il déclaré.
Pour le président, les délais dans la mise en place des institutions, bien que contraignants, étaient nécessaires pour respecter les prescrits de la démocratie congolaise. Toutefois, il a laissé entendre que ces contraintes pourraient être allégées par des ajustements législatifs, sans en préciser la portée.
Martin Fayulu dénonce une stratégie voilée
Cette posture apaisée n’a pas convaincu Martin Fayulu, figure de l’opposition et leader de l’ECIDé. Dans une déclaration cinglante, il a rejeté l’argumentation présidentielle, accusant Félix Tshisekedi d’utiliser des prétextes fallacieux pour justifier une réforme qu’il considère comme non prioritaire.
« La Constitution n’entrave en rien le bon fonctionnement des institutions. Le retard dans la nomination du Premier ministre n’a aucune base constitutionnelle », a affirmé Fayulu, en citant l’article 78 de la loi fondamentale, qui encadre le processus de désignation du chef du gouvernement. Selon lui, l’Union sacrée, majoritaire à l’Assemblée nationale, aurait pu nommer un Premier ministre sans délai.
Fayulu voit dans cette démarche une tactique subtile pour préparer le terrain à des ambitions personnelles : « Hier, vous évoquiez le changement de la Constitution ; aujourd’hui, vous parlez de réforme. Cessez cette stratégie du ‘Stop and Go’. Soyons sérieux », a-t-il tweeté.
Entre ambitions présidentielles et gestion politique
Le discours de Félix Tshisekedi marque un contraste saisissant avec ses déclarations antérieures, notamment à Lubumbashi où il s’était montré plus offensif. Le 17 novembre, il déclarait avec emphase : « Qui est celui-là qui va m’interdire, moi, le garant de la Nation, de ne pas le faire ? » Ces propos avaient alimenté les craintes d’un passage en force pour modifier la Constitution, notamment en vue d’un éventuel troisième mandat.
Cependant, depuis lors, l’UDPS semble avoir ajusté sa stratégie, ne parlant plus de « révision » mais de « changement » de la Constitution, une nuance qui continue de semer le doute. Félix Tshisekedi a, pour sa part, nié toute intention de briguer un troisième mandat, mais sa démarche reste sujette à interprétation.
Un repositionnement stratégique ?
Pour certains analystes politiques, ce virage modéré traduit une volonté de calmer les tensions après les critiques virulentes suscitées par ses sorties musclées. Parler de « réformes » plutôt que de « changement » permettrait de maintenir un équilibre, tout en laissant ouverte la possibilité d’ajuster la loi fondamentale.
Néanmoins, le chef de l’État n’a pas encore soulevé de sujets majeurs justifiant un changement constitutionnel fondamental, comme la forme de l’État ou le mode de scrutin. Sans ces réformes de fond, un passage à une Quatrième République paraît improbable.
L’heure est désormais à la vigilance pour l’opposition, tandis que Félix Tshisekedi semble jouer la carte de l’apaisement, en laissant planer le doute sur ses réelles intentions.