Repris ce lundi 18 novembre 2024, après une suspension le 4 novembre dernier, le procès de l’affaire dite des « forages » a opposé devant la Cour de cassation le ministère public à l’ancien ministre d’État au Développement rural, François Rubota, et à Mike Kasenga, patron de Stever Construct. Les deux accusés sont poursuivis pour détournement de 46.160.000 USD, sur un total de 71.816.829 USD décaissés par le Trésor public congolais dans le cadre de ce projet.
François Rubota : une défense centrée sur l’intérêt général
Premier à la barre, l’ancien ministre d’État a répondu aux questions de la Cour sur son rôle dans l’exécution du contrat. François Rubota a expliqué avoir hérité d’un projet déjà en cours à son entrée en fonction en avril 2021. Il affirme avoir constaté que Stever Construct avait déjà préfinancé certains travaux en fournissant des matériels pour 150 stations de pompage et traitement d’eau, sans recevoir de fonds du gouvernement.
Sur son insistance auprès du ministre des Finances pour le déblocage des fonds, Rubota a défendu son action en invoquant l’urgence de fournir de l’eau potable aux populations rurales dans un contexte de pandémie. « Mon seul intérêt était l’intérêt général. Si j’avais un intérêt personnel, j’aurais laissé passer le décaissement total des 375 millions USD prévus, mais j’ai bloqué pour imposer un paiement échelonné, sauvant ainsi le pays », a-t-il déclaré.
Interrogé sur le dépassement des objectifs de 1.000 à 1.340 stations et sur les paiements effectués en mode urgence, Rubota a renvoyé la Cour au ministre des Finances, Nicolas Kazadi. « La décision de payer ne relevait pas de moi. Je soumettais les demandes, mais c’est le ministre qui appréciait et décidait », a-t-il précisé, ajoutant que plusieurs sites nécessaires à l’installation des stations n’avaient pas été mis à disposition par le gouvernement.
Mike Kasenga : imperturbable et droit dans ses bottes
Face aux juges, l’entrepreneur Mike Kasenga a adopté une posture technique et précise. À la question sur la différence entre un forage et une station de pompage et traitement d’eau, il a expliqué en détail, dissipant les accusations de surfacturation. Il a rappelé que les coûts unitaires de ses stations étaient conformes aux normes internationales, citant notamment les références du projet PRISE financé par la Banque mondiale.
Kasenga a également justifié le recours aux fonds du gouvernement en évoquant l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les banques, rendant le préfinancement initialement prévu impossible à poursuivre. « Avant de recevoir un rond du gouvernement, nous avions déjà installé quelques stations et disposions de matériels pour 151 stations dans nos entrepôts », a-t-il affirmé.
Quant aux retards dans l’exécution des travaux, il a souligné le manque de sites identifiés par le gouvernement, ce qui a poussé Stever Construct à acheter des terrains ou à solliciter des églises pour obtenir des espaces. Il a également révélé que malgré son emprisonnement, les travaux continuaient, citant la livraison récente de cinq stations à Lisala, dans la province de la Mongala.
La liberté provisoire en question
Unique détenu dans cette affaire, Mike Kasenga, en prison depuis plus de quatre mois, a vu ses avocats déposer une demande de liberté provisoire, estimant que le procès relève davantage d’un litige civil lié à un contrat. Cette requête sera examinée ce mercredi 20 novembre 2024.
Une affaire complexe entre justice pénale et civile
La Cour a d’ores et déjà prévu de poursuivre l’instruction le lundi 25 novembre. Toutefois, plusieurs observateurs estiment que le ministère public aura du mal à prouver le détournement de fonds dans ce dossier contractuel. Affaire à suivre.