Bon nombre des experts africains et européens participent au premier Forum
numérique en République du Congo. Parmi les brillantes interventions de réfléchir aux enjeux liés à la transformation numérique de l’état, figure celle notamment du docteur Kodjo Ndukuma. Ce dernier, a déclaré que l’Afrique est sous le voile des enjeux du numérique.
Ci-dessous les grandes lignes de l’ exposé du professeur Kodjo Ndukuma :
En 2017, le monde comptait 4,05 milliards d’internautes contre les 3,7 de 2016. En 2015, le Forum économique Forbes Afrique (Brazzaville) renseignait :
- 700 millions d’abonnés téléphoniques sur le continent, soit plus que les États-Unis et l’Europe en nombres respectifs d’habitants;
- 10% d’internautes africains dans le monde, faible niveau d’accès à Internet ;
- 4% du PIB comme le niveau des revenus issus d’Internet sur le marché africain ;
- Dépassement du seuil en 2013 de 18 milliards $ de revenus d’Internet;
- Dépassement du seuil d’1 milliard d’abonnés de téléphonie mobile à l’horizon 2025 ;
- Dépassement de la contribution de 300
milliards de $ d’Internet au PIB africain à
l’horizon 2025.
Abstract sur les enjeux et droits numériques
en Afrique
Depuis les accords spécifiques de l’Organisation Mondiale du Commerce
(1994-1997), les législations africaines n’ont pas encore fini d’encadrer les aspects basics des télécoms : régulation sectorielle, service universel, pleine concurrence du marché électronique, gestion des ressources races (fréquences radioélectriques, numérotation), signature et preuve électroniques, système national de paiement électronique, protection
des données personnelles .
Par ailleurs, l’Internet apporte la convergence des Télécoms, de l’Informatique et de l’Audiovisuel. Alors même que ces enjeux initiaux sont loin d’être appréhendés, les phénomènes technologiques, liés au numérique, sont à la base des transformations sociétales qui engagent un glissement des paradigmes du droit et des économies classiques. Le droit est une réponse politique de gestion ou de projection des enjeux.
Le numérique appelle, particulièrement en Afrique, le passage d’une législation sectorielle qui portait sur les télécoms de base et l’informatique, vers une législation multisectorielle faisant suite à l’Internet global et à la fusion des médias ou des industries. Les pratiques d’économie numérique se développent en Afrique, mais il reste la nécessité d’appréhender l’objet technique de la société numérique et ses axes de dématérialisation, dans le champ des droits nationaux et communautaires.
Particulièrement, le « mobile money » est cette monnaie électronique sur les supports de téléphonie mobile. Il est nettement plus
développé en Afrique qu’en Europe et aux États-Unis. Le faible taux de bancarisation en Afrique a fait le succès des facilités que la technologie GSM offre à l’inclusion numérique et par conséquent à l’inclusion financière des populations, longtemps laissées pour compte dans des secteurs informels de l’économie.
Mais, il n’y a pas de développement de législation originale, ni de doctrine juridique (littératures) répandues en Afrique, parce que l’objet, souvent mimé, des lois européennes ne s’y penche pas faute de grands enjeux.
En outre, la donnée est devenue le nouvel eldorado de l’économie du Net et l’enjeu de la cybercriminalité. S’agissant du système africain de protection des données personnelles, seulement 21 pays africains disposent des lois sur les 55 du continent : Afrique du Sud (2013), Angola (2011), Bénin
(2009), Burkina Faso (2004), Cap-Vert (2001), Comores (2014), Côte d’Ivoire (2013), Gabon (2011), Ghana (2010), Guinée Equatoriale (2016), Île Maurice (2004), Lesotho (2013), Madagascar (2014), Mali (2013), Maroc (2009), Niger (2017), Sénégal (2008), Seychelles (1998), Tchad (2015), Tunisie
(2004) et Zimbabwe (2002).
Sur ces aspects, l’Afrique manque de cadrage intellectuel, pour faire avancer les pratiques sociales et le droit en fonction des enjeux de
dématérialisation.
Conscience des élites et des peuples sur la géopolitique du cyberespace.
L’économie numérique africaine est le produit de la mondialisation, ses opérateurs d’infrastructures sont en majorité des
multinationales étrangères. Les populations en
tant qu’utilisateurs se massifient et se satisfont de l’offre des services que leurs Etats seuls ne pouvaient leur offrir par principe de
mutabilité. Cependant, les États africains s’insèrent dans
une économie de système, une économie de verrouillage sans préparation politique et stratégique. La maîtrise des schèmes de
l’Internet et de son architecture échappe
largement aux gouvernants et aux intellectuels africains. Les consciences collectives et élitistes ne sont pas suffisamment éclairées sur
les véritables relevant de la géopolitique du cyberespace, de sa géo-économie et de ses transformations sociétales. Les éditions L’Harmattan lancent sa collection des « Enjeux et droits numériques » pour la rentrée de septembre 2018 afin de répondre au besoin documentaire sur les grandes questions
ici soulevées. Dans la collection, deux ouvrages
sont à paraître : sur le 1 sujet du « Droit de l’économie numérique : expériences européennes et africaines, » et sur le 2 sujet des « Droits des télécoms et du numérique :
profilage congolais et prospective comparée de
France et d’Europe ».
Dr. Kodjo Ndukuma
Docteur en sciences juridiques
De l’Université Paris 1 Panthéon –
Sorbonne
Professeur de droit à l’Université Protestante
du Congo