Le Lualaba, province issue du découpage du Grand Katanga, est souvent présenté comme un territoire prospère grâce à sa richesse minière. Pourtant, une récente enquête de terrain menée par l’équipe du journal Netic-News entre le 1er et le 16 avril 2023 dresse un tableau bien plus sombre. Derrière les façades reluisantes qu’on montre à Kinshasa et à l’étranger, les populations du Lualaba vivent dans une misère criante, en marge des retombées économiques promises.
Malgré des recettes impressionnantes générées par la redevance minière – plus de 112 millions de dollars rien qu’en 2022 – les conditions de vie des habitants restent déplorables. À Kolwezi comme à Kasaji, dans les territoires de Sandoa, Mutshatsha et Dilolo, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux soins de santé ou encore à une éducation de qualité est quasiment inexistant. Le sac de maïs de 25 kg coûte jusqu’à 75 000 francs congolais, une somme inaccessible pour la majorité des familles.
Ce contraste entre la richesse du sous-sol et la pauvreté de la population est d’autant plus révoltant que plusieurs sites miniers sont contrôlés par des coopératives soupçonnées d’être proches de l’exécutif provincial. Ces coopératives, telles que COMIBAKAT et COMAKAT, attribuent l’exploitation de gisements à des entreprises chinoises ou libanaises, sous prétexte d’une activité artisanale. Or, sur le terrain, l’exploitation est semi-industrielle, échappant aux contrôles fiscaux. Les routes d’évacuation contournent les péages, et la production se fait dans une totale opacité.
Dans ces conditions, les creuseurs artisanaux sont marginalisés, exploités et privés de leurs revenus. Leurs minerais sont rachetés à vil prix, leurs outils contrôlés par ceux-là mêmes qui devraient les encadrer. Le sentiment d’abandon est généralisé, et la colère gronde dans les villages où ni écoles, ni centres de santé, ni marchés modernes ne sont construits, malgré les promesses.
Les infrastructures sont dans un état de délabrement avancé. Les routes entre les villes sont impraticables. Kasaji, deuxième ville de la province, est quasiment inaccessible et ne possède aucune avenue asphaltée. Même Kolwezi, le chef-lieu, ne dispose que de quelques routes menant vers des entreprises minières ou les résidences de proches de la gouverneure Fifi Masuka. Ailleurs, le vide. Pas même un forage d’eau à Mutshatsha, aucune visite officielle à Sandoa, ni à Dilolo.
La sécurité n’est pas meilleure. Pas de postes de police dans les villages, pas de patrouilles visibles. À Kolwezi, les cas de viols et d’agressions sont fréquents. Les agents de l’ordre manquent d’équipements, de carburant et de motivation. Le relâchement de l’autorité provinciale est pointé du doigt par plusieurs sources.
L’administration publique est accusée d’être contrôlée par les membres de la famille Masuka et leurs alliés, au mépris de la compétence. Le népotisme et le clientélisme sont dénoncés comme des obstacles majeurs à la bonne gouvernance. Sur le plan politique, la gouverneure est vue comme un facteur de division, entretenant des conflits avec d’anciens cadres de la province pour mieux asseoir son autorité.
Alors que le Lualaba devrait être un modèle de développement pour le pays, il reste aujourd’hui une province enclavée, abandonnée, où les richesses naturelles profitent à une poignée, au détriment de la majorité. Pour les populations locales, le rêve d’un Eldorado s’est transformé en cauchemar.