C’est un coup de tonnerre politique en ce début d’avril. Après plus d’un an d’exil silencieux et six ans de retrait de la scène nationale, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, a annoncé ce lundi 8 avril 2025 son intention de rentrer au pays. Dans une lettre exclusive adressée à Jeune Afrique, le raïs déclare vouloir « contribuer à la recherche de la solution », face à une situation sécuritaire qu’il juge gravement détériorée.
Mais le plus surprenant, c’est l’itinéraire choisi : « la partie orientale » du pays, sans précision claire. Le Katanga, fief historique du clan Kabila ? Ou les zones sous contrôle du M23, où plane le spectre de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) ? Le mystère reste entier, alimentant les spéculations et les inquiétudes.
Un retour orchestré sur fond de tensions régionales
Ce retour ne s’improvise pas. Kabila affirme avoir consulté plusieurs chefs d’État, anciens présidents et figures politiques et sociales du continent. Depuis son exil sud-africain, il a multiplié les signaux de repositionnement politique. Après avoir rencontré en décembre à Addis-Abeba Moïse Katumbi et Claudel Lubaya, il a signé une tribune retentissante dans The Sunday Times le 23 février et accordé deux interviews en quelques semaines, rompant ainsi un long mutisme.
Dans ses sorties, l’homme fort de Kinshasa de 2001 à 2019 n’épargne pas son successeur, Félix Tshisekedi, qu’il accuse de laxisme et d’irresponsabilité face à la tragédie qui se joue dans l’Est. Ce dernier, quant à lui, voit dans cette résurgence de son prédécesseur un dangereux projet de subversion.
Kinshasa soupçonne une main dans l’ombre de l’AFC
Du côté du pouvoir, l’ambiance est électrique. L’entourage de Tshisekedi est formel : Kabila serait l’inspirateur caché de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), cette nébuleuse politico-militaire liée au M23 et dirigée par Corneille Nangaa, ex-président de la CENI et fidèle parmi les fidèles du clan Kabila. Ce dernier nie en bloc. « Si j’étais complice du M23, la situation serait différente de ce qu’elle est actuellement », a-t-il déclaré en mars depuis l’Afrique du Sud.
Mais Kinshasa n’est pas dupe. Le président Tshisekedi parle ouvertement de « préparation à une insurrection ». Les services de sécurité sont sur les dents, tandis que dans les chancelleries, on s’interroge : Joseph Kabila revient-il en pacificateur… ou en stratège d’un retour en force ?
Un retour aux allures de bras de fer
Alors que le pays est à bout de souffle, miné par des années de guerre dans l’Est, des tensions électorales persistantes et une économie fragile, l’annonce de Kabila pourrait bien rebattre les cartes. Certains y voient une tentative de repositionnement d’un homme politique qui refuse de tirer sa révérence. D’autres redoutent un engrenage de confrontation au sommet de l’État.
Quoi qu’il en soit, l’ombre du raïs plane à nouveau sur la RDC. Et le choix de l’Est, véritable poudrière géopolitique, comme point d’entrée, n’a rien d’anodin. Le pays retient son souffle.
Le début de l’ouverture des placards ?