Kinshasa, le 26 février 2025 – En visite officielle à Kinshasa, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a lancé un appel à témoins concernant les crimes commis dans les zones sous occupation rwandaise, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette annonce intervient après une audience avec le Président congolais, Félix Tshisekedi, à la Cité de l’Union africaine.
Un appel à témoins pour documenter les crimes
Au sortir de son entretien avec le Chef de l’État, le Procureur Karim Khan a invité toutes les personnes détenant des preuves sur des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des actes de génocide à les transmettre via le site officiel de la CPI.
« Ceux qui ont des preuves sur des crimes de génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité sont priés de les envoyer sur le site de la CPI », a déclaré Karim Khan.
La rencontre entre le Procureur et le Président congolais a principalement porté sur la crise sécuritaire et humanitaire qui sévit dans l’Est du pays, théâtre d’exactions perpétrées par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
Le Procureur de la CPI a réaffirmé l’engagement de son institution à suivre de près la situation. Il a rappelé que la CPI avait signé, en 2023, un protocole d’accord avec la RDC pour faciliter la coopération judiciaire dans l’enquête sur les crimes internationaux commis sur le territoire congolais.
Un engagement renforcé après la Conférence de Munich
Cette visite à Kinshasa fait suite à une rencontre entre Karim Khan et Félix Tshisekedi, il y a deux semaines, en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité. Selon la Présidence congolaise, le Procureur avait alors assuré au Chef de l’État que la CPI était « déjà à l’œuvre » pour recueillir des témoignages et des preuves des crimes perpétrés dans l’Est du pays.
Depuis plusieurs décennies, les provinces de l’Est, en particulier le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, sont le théâtre de conflits armés. Des groupes rebelles, notamment le M23, appuyés par le Rwanda, sont accusés de piller les ressources naturelles et de commettre des exactions contre les populations civiles.
Vers la création d’une Cour pénale spéciale pour la RDC
Dans le cadre de cette démarche pour la justice et la paix, une Conférence internationale sur la paix, la sécurité et la justice est prévue en avril prochain à Kinshasa. L’annonce a été faite par le Pr. Taylor Lubanga, chargé du suivi de la coopération entre la RDC et la CPI.
« Cette conférence sera chargée d’examiner les causes de l’instabilité que nous vivons depuis des années dans la partie orientale du pays », a-t-il précisé.
Parmi les sujets majeurs qui seront débattus, la mise en place d’une Cour pénale spéciale pour la RDC figure en bonne place. Cette juridiction pourrait permettre de juger plus rapidement les responsables des crimes graves perpétrés sur le territoire congolais.
Un appel aux sanctions contre le Rwanda
Face à l’intensification des violences, la Première ministre congolaise, Judith Suminwa, a lancé lundi un appel à des sanctions internationales contre le Rwanda. S’exprimant à Genève lors de la 58ᵉ session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, elle a insisté sur la nécessité de mesures dissuasives pour restaurer l’ordre et protéger les populations congolaises.
« Au regard des massacres et des exécutions sommaires qu’il continue de perpétrer sur notre sol, nous en appelons à des sanctions dissuasives pour permettre de restaurer l’ordre et la sécurité, et protéger ainsi des millions de Congolais vivant à Goma, Bukavu et dans d’autres parties du pays sous occupation », a-t-elle déclaré.
Une situation humanitaire préoccupante
L’Est de la RDC demeure une zone de crise humanitaire majeure. Depuis la prise récente des villes de Goma et Bukavu par l’armée rwandaise et ses alliés du M23, les exactions contre les populations civiles se multiplient. Exécutions sommaires, violences de masse et massacres ont été signalés, notamment lors de l’attaque du premier jour de la prise de Goma, qui aurait fait plus de 4 000 morts selon les sources locales.
La communauté internationale est appelée à intensifier ses efforts pour mettre fin à cette tragédie et assurer que justice soit rendue aux victimes. L’appel de la CPI aux témoins s’inscrit dans cette démarche visant à documenter les crimes et à poursuivre leurs auteurs devant la justice internationale.
Avec cette initiative, la CPI et les autorités congolaises espèrent accélérer le processus de justice et mettre un terme à l’impunité qui alimente le cycle de violences dans l’Est de la RDC.