Deroulement de la Guerre
Le Gouvernement de Laurent DĂ©sirĂ© Kabila pendant quelques semaines, qui ne fut sauvĂ© que par l’intervention rapide de plusieurs autres États africains. Un moment, il sembla que l’on se dirigeait vers une guerre conventionnelle ouverte entre plusieurs nations sur le territoire de la RDC. Une telle issue fut Ă©vitĂ©e au moment oĂą la ligne de front se stabilisa en 1999. Dès lors, le conflit fut le fait de forces militaires irrĂ©gulières, avec peu de modifications dans les territoires tenus par les uns et les autres.
Attaque des rebelles sur Kinshasa
Le 2 aoĂ»t 1998, les troupes de Banyamulenge basĂ©es Ă Goma se mutinèrent. Le Rwanda apporta une assistance immĂ©diate aux Banyamulenge, et au dĂ©but aoĂ»t, un groupe armĂ© et organisĂ© Ă©tait constituĂ©, le Rassemblement congolais pour la DĂ©mocratie (RCD), composĂ© en premier de Banyamulenge et soutenu par le Rwanda et l’Ouganda. Ce groupe prit rapidement le contrĂ´le des ressources minĂ©rales des provinces orientales du pays, et prit pour centre de ses opĂ©rations la ville de Goma. Le RCD prit Ă©galement le contrĂ´le des villes de Bukavu et Uvira au Kivu. Le gouvernement rwandais, constituĂ© de Tutsis et alliĂ© avec l’Ouganda, et avec la bienveillance du Burundi, occupa une portion du nord-est du Congo. Pour contrer ces nouveaux occupants, le prĂ©sident Kabila en appela Ă l’aide des Hutus militant dans le Congo oriental et commença Ă monter les populations contre les Tutsis, ce qui occasionna de nombreux lynchages dans les rues de Kinshasa, le plus souvent par supplice du pneu.
Le 12 août, un major loyal au gouvernement de Kinshasa lança un appel à la résistance sur une radio de Bunia.
Le gouvernement rwandais rĂ©clama par ailleurs une part significative de l’est du Congo, considĂ©rĂ©e comme « historiquement rwandais ». Les Rwandais prĂ©tendirent Ă©galement que Kabila planifiait un gĂ©nocide contre les Tutsis dans la rĂ©gion du Kivu. Des doutes subsistent quant Ă la rĂ©alitĂ© de cette menace contre les Banyamulenge, et Ă son utilisation par l’armĂ©e rwandaise comme prĂ©texte Ă des aspirations territoriales.
En un mouvement de contournement, les rebelles du RCD s’emparèrent d’un avion de ligne et atterrirent Ă la base gouvernementale sur la base de Kitona sur la cĂ´te Atlantique, oĂą ils furent rejoints par des troupes gouvernementales mutinĂ©es.
Plusieurs villes de l’est et aux alentours de Kitona tombèrent sous les coups du RCD, de l’Ouganda et du Rwanda. Les efforts de conciliation diplomatiques sont restĂ©s vains. Le 13 aoĂ»t, les rebelles avaient pris possession du complexe hydro-Ă©lectrique d’Inga qui alimentait en Ă©lectricitĂ© Kinshasa et le port de Matadi, et qui Ă©tait Ă l’origine de l’essentiel de l’approvisionnement de la capitale en nourriture et hydrocarbures. Le centre diamantaire de Kisangani tomba aux mains de rebelles le 23 aoĂ»t et les forces en provenance de l’est commencèrent Ă menacer Kinshasa dès la fin aoĂ»t. L’Ouganda, qui s’abstenait de soutenir le RCD avec le Rwanda, crĂ©a Ă©galement un groupe rebelle qu’il aida exclusivement, le Mouvement de LibĂ©ration du Congo (MLC).
MalgrĂ© le dĂ©placement des lignes de front, les combats continuèrent Ă travers le pays. MĂŞme quand les forces rebelles progressaient vers Kinshasa, les forces gouvernementales continuèrent Ă se battre pour le contrĂ´le des villes de l’est du pays. Les militants Hutus avec qui Kabila nouait des alliances Ă©taient toujours des forces d’importance dans l’est du pays.
Kabila gagne des alliés régionaux
L’offensive rebelle interrompit les efforts de Kabila qui commençaient Ă porter leurs fruits. Les premiers Ă rĂ©pondre furent les membres de la Southern African Development Community (SADC). Bien qu’officiellement les membres de la SADC soient liĂ©s par un traitĂ© de dĂ©fense mutuelle contre une agression extĂ©rieure, plusieurs d’entre eux prirent une position neutre dans le conflit. Cependant, la Namibie, le Zimbabwe et l’Angola apportèrent rapidement leur soutien au gouvernement Kabila après une rencontre dans la capitale du Zimbabwe, Harare, le 19 aoĂ»t.
Les motivations de ces pays Ă©taient variables :
Angola pris dans une guerre civile de 25 ans contre les rebelles de l’UNITA, l’Angola dĂ©sirait Ă©liminer les bases UNITA du sud Congo, qui approvisionnaient la rĂ©bellion en Ă©change de diamants angolais. C’est pour la mĂŞme raison que l’Angola participa brièvement Ă la Première guerre du Congo pour Ă©vincer Mobutu du pouvoir. Le gouvernement angolais ne pensait pas qu’un nouveau prĂ©sident serait prĂ©fĂ©rable Ă Kabila et craignait que l’instabilitĂ© au Congo ne profite Ă l’UNITA.
Zimbabwe
Le prĂ©sident Robert Mugabe Ă©tait le plus ardent soutien de secours Ă Kabila, car il Ă©tait intĂ©ressĂ© par les richesses naturelles du Congo et souhaitait accroĂ®tre son prestige et son influence en Afrique. Kabila et Mugabe avaient signĂ© un contrat d’une valeur de 200 millions de dollars, concernant des entreprises dĂ©tenues par Mugabe et sa famille. Divers contrats d’exploitation minière furent nĂ©gociĂ©s en 1998 avec des compagnies sous contrĂ´le de la famille Mugabe. Mugabe fut aussi considĂ©rĂ© comme Ă©tant envoyĂ© par le prĂ©sident Nelson Mandela, comme ambassadeur des intĂ©rĂŞts de d’Afrique du Sud. La guerre Ă©tait aussi une occasion d’ĂŞtre confrontĂ© Ă un autre prĂ©sident africain, Yoweri Museveni de l’Ouganda.Namibiele prĂ©sident Sam Nujoma avait des intĂ©rĂŞts au Congo similaires Ă ceux de Mugabe, avec des membres de sa famille actifs dans les mines congolaises.
La Namibie elle-mĂŞme n’avait que peu d’intĂ©rĂŞts Ă dĂ©fendre et l’intervention fut dĂ©noncĂ©e par la population et les dirigeants de l’opposition.
Plusieurs autres nations se joignirent Ă Kabila dans ce conflit pour plusieurs raisons dans les semaines qui suivirent :
Tchad
Kabila avait tout d’abord escomptĂ© un soutien de l’Afrique francophone, mais après le sommet de Libreville, au Gabon, le 24 septembre, seul le Tchad dĂ©cida d’envoyer un millier d’hommes.
Pour la France, qui encouragea cette opĂ©ration, il s’agissait de regagner son influence en Afrique centrale, perdue depuis le gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda de 1994.
Libye
Le gouvernement de Mouammar Kadhafi fournit des avions pour transporter des troupes du Tchad. Kadhafi aurait vu une occasion de profits financiers, mais aussi une façon de briser la situation d’isolement international imposĂ©e par les États-Unis après la destruction en 1988 du vol Pan Am 103 au-dessus de Lockerbie, en Écosse.Soudan En septembre, des rapports non confirmĂ©s indiquèrent que des forces du gouvernement soudanais combattaient les rebelles dans la Province orientale, Ă proximitĂ© des frontières soudanaise et ougandaise. Cependant, le Soudan n’a pas Ă©tabli de prĂ©sence durable et significative en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo.
Une guerre sur plusieurs fronts fut dĂ©clenchĂ©e. En septembre 1998, les forces zimbabwĂ©ennes furent envoyĂ©es Ă Kinshasa pour contrer les attaques rebelles menaçant les abords de la ville, les rebelles ayant fait parvenir des forces du sud par les frontières de l’Angola et de l’ouest par l’enclave de Cabinda, contre les assiĂ©geants rebelles. Cette intervention par plusieurs nations sauva le gouvernement de Kabila, qui repoussa loin de la capitale les lignes de front. Cependant, les forces rebelles ne furent pas dĂ©faites, et il y eut une confrontation directe avec les armĂ©es nationales d’Ouganda et du Rwanda.
En novembre 1998, un nouveau groupe soutenu par l’Ouganda, le Mouvement de LibĂ©ration du Congo fit son apparition dans le nord du pays. Le 6 novembre, le prĂ©sident Paul Kagame admit pour la première fois que des forces militaires du Rwanda aidaient les rebelles en RDC pour des raisons de sĂ©curitĂ©, apparemment Ă la suite d’une demande de Nelson Mandela de faire progresser les pourparlers de paix.
Le 18 janvier 1999, le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe dĂ©cidèrent d’un cessez-le-feu au sommet de Windhoek, en Namibie, mais la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo n’Ă©tait pas invitĂ©e. Les combats continuèrent.
Hors d’Afrique, de nombreux Ă©tats restèrent neutres et demandèrent l’arrĂŞt des violences. Ces Ă©tats Ă©taient rĂ©ticents Ă envoyer des troupes dans la rĂ©gion. De nombreuses compagnies minières et diamantaires occidentales, en particulier amĂ©ricaines, canadiennes, et israĂ©liennes, soutenaient le gouvernement Kabila en Ă©change d’accords commerciaux. Ces actions leur valurent de nombreuses critiques des groupes de dĂ©fense des droits de l’Homme.
Accord de paix de Lusaka
Territoires tenus par les diffĂ©rentes factions en juin 2003 : Gouvernement, MLC au nord, RCD Ă l’est.
Le 5 avril 1999, les tensions entre le RCD Ă propos de la domination des Banyamulenge atteignit son paroxysme quand le leader du RCD Ernest Wamba dia Wamba dĂ©plaça son centre de commandement de Goma Ă Kisangani, zone contrĂ´lĂ©e par l’Ouganda. Un autre signe de rupture apparut quand le prĂ©sident Museveni de l’Ouganda et Kabila signèrent un cessez-le-feu le 18 avril Ă Syrte, en Libye, après une mĂ©diation du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, et Ă laquelle et le RCD et le Rwanda refusèrent de prendre part. Le 16 mai, Wamba fut Ă©vincĂ© de la direction du RCD en faveur d’une figure pro-Rwanda. Sept jours plus tard, les diffĂ©rentes factions du RCD s’affrontèrent pour le contrĂ´le de Kisangani.
Le 8 juin, les factions rebelles se rencontrèrent pour tenter d’Ă©tablir un front commun contre Kabila.
Ces circonstances contribuèrent au premier cessez-le-feu de la guerre. En juillet 1999, l’accord de cessez-le-feu de Lusaka fut signĂ© par les six pays belligĂ©rants, (RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, Namibie, Angola, Zimbabwe, Rwanda, et Ouganda) et, le 1er aoĂ»t, le MLC. Le RCD refusa de signer. Selon cet accord, les forces des diffĂ©rentes parties, sous le contrĂ´le d’une commission militaire conjointe, coopĂ©reront au dĂ©sarmement et au contrĂ´le des groupes armĂ©s prĂ©sents sur le territoire, et en particulier ceux identifiĂ©s comme Ă©tant Ă l’origine du gĂ©nocide au Rwanda de 1994. Mais le dĂ©sarmement de ces milices se fait attendre.
Le Conseil de sécurité des Nations unies ordonna le déploiement de 90 officiers de liaison en août 1999 pour assister le cessez-le-feu.
Cependant, dans les mois qui suivirent, les uns et les autres s’accusèrent de violations rĂ©gulières de la trĂŞve. Le cessez-le-feu resta fragile.
Delphin TAMBWE