MondeROBERT GABRIEL MUGABE : UNE ICÔNE DE LA CAUSE AFRICAINE

ROBERT GABRIEL MUGABE : UNE ICÔNE DE LA CAUSE AFRICAINE

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L’HOMME ET SES COMBATS (L’HOMME DE TOUS LES COMBATS)

1.L’HOMME
Né le 21 février 1924 à Kumala près de Harare (Salisbury) d’une famille paysanne. Il est issu de l’ethnie majoritaire des Shonas. Très versé dans les activités scolaires et surtout la lecture, il s’envole, à 17 ans, vers l’Afrique du Sud où il s’inscrit à l’Université de Fort Hare. Il fait la connaissance et côtoie Nyerere, Kenneth Kaunda Herbert Chitepo. Il enseignera quelques années au Ghana puis en Zambie. Revenu en Rhodésie, il participe à la création de la ZANU (Zimbabwe African National Union) en 1963. Ses compagnons de lutte dans la direction de la ZANU sont notamment le révérend Ndabaningi Sithole et l’avocat Herbert Chitepo. Pendans la même période, Emmerson Mnagangwa est envoyé en Chine pour apprendre les techniques de la guérilla.  Robert Mugabe est arrêté en 1964 pour activités subversives contre le pouvoir colonial anglais. Il passera 10 ans en prison. Il en profitera pour parfaire sa formation intellectuelle et obtiendra une dizaine de diplômes dont des doctorats (en politique, droit, économie, etc.) On dit de lui, qu’il fut le chef d’Etat le plus diplômé du monde.

« Nous gardons à jamais le souvenir d’un digne Fils de l’Afrique, qui a volé au secours de notre pays, alors victime d’une agression extérieure. Le  continent vient de perdre l’un des grands panafricanistes, un héros de la lutte pour l’indépendance »  S.E AM JKK

Alors qu’il est encore en prison, il est élu Président de la ZANU, en 1973, dont il est un des membres fondateurs. Libéré en 1974, il se lance dans la guérilla contre le pouvoir blanc de Ian Smith et s’exile au Mozambique. Il prend la tête de la Zimbabwe African National Liberation Army (ZANLA) pour mener cette guérilla contre Ian Smith avec l’aide du FRELIMO mozambicain dirigé par Samora Machel. Il est idéologiquement incrusté dans le marxisme-léninisme. Les progressistes africains l’accueillent avec ferveur. Son combat armé et intellectuel est salué par tous ceux qui se battent pour la libération totale de l’Afrique.

Avec le leader de la ZAPU ( Zimbabwe African People Union) de Joshua Nkomo, Mugabe forme le Patriotic Front (Front patriotique). Beaucoup d’observateur y voient l’alliance entre les deux grandes ethnies, les Shonas et les Ndebele ou alors l’alliance entre le Mashonaland et le Matabeleland (Sud-Ouest du pays).

  1. LE CONTEXTE HISTORIQUE INTERNATIONAL

En 1890, la « Colonne Pionnière » (Pioneer Column) hissa le drapeau britannique (Union Jack) sur le mont Harare au nom de la Reine Victoria. Une année après, le Mashonaland devint un protectorat britannique. En 1895, Mashonaland et Matabeleland sont désignés du nom de Rhodésie par le gouvernement britannique en hommage de Cecil John Rhodes, un aventurier, expansionniste et impérialisme anglais qui voulait obtenir pour le compte de la Couronne britannique des terres qui s’étendraient « du Cap au Caire ».

Les Shonas et les Ndebele se révoltent en 1896. Cecil Rhodes meurt en 1902. Sa fameuse compagnie (British South Africa Compagny) qui avait tous les droits sur les terres en Afrique australe, voit son règne révoqué en 1923 et les Anglais deviennent officiellement colonisateurs de la plupart des Etats de l’Afrique australe, notamment après la guerre contre les Boers installés en Azanie (Afrique du Sud) en 1912.

La Rhodésie fut ainsi annexée à l’Empire coloniale britannique avec le système d’autogestion interne (self government rule). En 1930, les terres rhodésiennes sont divisées entre les terres africaines et les terres européennes. Bien entendu, les meilleures terres, les plus fertiles vont désormais appartenir aux Blancs. Un système d’Apartheid est instauré avec des noirs parqués dans les réserves sous la forme sud-africaine de Bantoustans.

Le 11 novembre 1965, sous le tollé général et la réprobation mondiale, Ian Smith, alors premier ministre blanc qui dirige la Rhodésie du sud, fait la déclaration unilatérale d’indépendance de la Rhodésie vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Privée de sa colonie, cette puissance se débat dans le monde entier pour remettre Ian Smith dans le giron, mais sans succès. Il faut avouer qu’il s’agit d’une série de simagrées sans grand effet car la complicité des Britanniques est patente et la mollesse face aux agissements d’Ian Smith ne trompe personne. Smith est de mèche avec son pays d’origine qui flouait le statut de la Rhodésie dont les autochtones se battent pour la vraie indépendance.

Devant une telle mascarade, les noirs n’ont pas d’autre choix que la lutte armée. Avec l’aide plusieurs pays de la région, des percées sont organisées pour contraindre les colons blancs à libérer le pays. Ceux-ci sont aidés par le Portugal colonial et l’Afrique du sud ségrégationniste. Pour combattre la satellisation de la région notamment par le pouvoir raciste sud-africain, les pays de la région se liguèrent pour ne plus dépendre économiquement de l’Afrique du Sud (SACC). Les pays de la ligne de front s’associent au combat des tous les peuples africains encore sous le joug colonial ; surtout que le 25 mai 1963 est créée l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis-Abeba en Ethiopie. Elle se dote d’un Comité de libération pour appuyer les luttes de libération des peuples africains qui croupissent encore sous l’ignoble système colonial. Son siège est installé en Tanzanie, spécialement à Arusha (esprit d’Arusha dont les effets géostratégiques existent encore de nos jours). Tous les combattants de la liberté de l’Afrique y séjournent régulièrement et font connaissance les uns des autres.

Par la force des choses, la Rhodésie redevient colonie britannique en décembre 1979. Les accords de Lancaster House sont signés à la même date. Il s’agit d’un texte pré-constitutionnel connu aussi sous le nom de Zimbabwe Act. Il s’agissait d’une tripartite avec, d’un côté le Front Patriotique (représenté par Robert Mugabe et Joshua Nkomo) contre la délégation du gouvernement fantoche voulu par la minorité blanche (représentée par l’Evêque Muzorewa – Premier ministre de pacotille – et Sithole), enfin la délégation britannique (sous la houlette de Lord Soames. Les négociations avaient duré de septembre à décembre 1979. Ces accords accordent des garanties économiques et politiques à la minorité blanche. Ils y également question d’élections multiraciales pour 1980, la réforme agraire est une pierre d’achoppement : il est décidé d’y procéder, mais progressivement pendant 10 ans. La Grande-Bretagne s’engage à indemniser les fermiers blancs qui seraient déposséder de leurs terres pour être redistribuées aux familles noires auxquelles elles étaient arrachées depuis la fameuse loi de 1930 (notamment sous l’égide des terres de la couronne qui englobaient les terres « vacantes »). En fait, la Grande-Bretagne devrait racheter des terres pour le redistribuer et payer des compensations financières aux blancs, pourtant détenteurs illégaux des terres ancestrales zimbabwéennes.

Le gouvernement de Tony Blair y renoncera provoquant ainsi les occupations de force des fermes par les noirs se sentant bernés. L’Angleterre s’étant déliée de ses engagements de Lancaster House, les vétérans et les familles noires n’eurent pas d’autre choix que d’occuper les terres par des voies de fait.

L’indépendance interviendra le 18 avril 1980 (avec l’animation de Bob Marley). Mugabe devient Premier ministre après que son parti ait raflé la majorité absolue aux élections législatives. Son allié Nkomo (qui deviendra ministre de l’Intérieur) se place en seconde position. 20 sièges sont accordés aux Blancs selon les accords de Lancaster House. Mugabe ira plus loin que les prescrits des accords de Lancaster House : il nomme deux blancs dans son gouvernement et maintiendra à son poste le chef de renseignement du pouvoir raciste d’Ian Smith. Il paraîtra bien conciliant pour un ancien guérillero. Il dira aux Blancs : « Vous étiez mes ennemis hier, vous êtes maintenant mes amis ». Salisbury redevient Harare en 1982. Malheureusement, la même année, l’alliance entre Mugabe et Nkomo, volera en éclats provoquant des violences inouïes. Le Matabeleland est à feu et à sang, accusé d’organiser la sédition attentatoire à l’unité du pays.

Les dix premières années d’après l’indépendance sont fastueuses. De projets faramineux sont lancés et le Zimbabwe apparaît aux yeux de tous comme un immense succès (plusieurs écriront des articles sur le thème « Zimbabwe is a success », notamment Jeffrey Davidow du Center for International Affairs de Harvard University, de Tumwine JK – Zimbabwe’s success story in education and health, de Jonathan Steele – Zimbabwe, the success story, The Guardian). Les programmes sur l’éducation et la santé étalent particulièrement des prouesses sans précédent. Mugabe est présenté comme le chouchou des Africains et du monde occidental.

Mugabe deviendra Président de la République après la réforme constitutionnelle de 1987 qui avait instauré un régime présidentiel. Toujours en 1987, c’est la fin de la guerre civile et la création de la ZANU-PF (une fusion de la ZANU et de la ZAPU). Il est décrété la fin du collège électoral blanc et sa représentation de 20 sièges.

En 1990, le Zimbabwe se rapproche des institutions financières internationales. Mal lui en prit car avec les programmes d’austérité et les fameux ajustements structurels, le mécontentement se généralise alors que le chômage grimpe. Le peuple s’impatiente et la colère gronde. Tout le monde réclame la redistribution des terres pour corriger une injustice coloniale. Mugabe hésite et il est débordé par son aile radicale qui pousse les vétérans à se faire justice. Il s’y oppose, mais il doit se raviser car la pression populaire est imparable.

Les critiques occidentales s’intensifient sous la poussée de Tony Blair qui le déteste orageusement et le tient en grippe partout. Il lui ferme toutes les portes et son lobbying aboutit à faire de Mugabe un paria sur la scène occidentale. Des sanctions tombent, le pays est exsangue. Une opposition est fabriquée par le néo-colonialisme sur la base d’un mouvement syndical et la direction en est confiée à Morgan Tsvangiraï.

En 2009, Mugabe fera de Morgan Tsvangiraï son Premier ministre après des élections particulièrement chahutées par les ennemis occidentaux du Zimbabwe et suite aux recommandations d’autres pays africains.

En décembre 2014, il limoge sa Vice-présidente Joice Mujuru accusée d’atteinte à l’intégrité du pouvoir institutionnel. Elle sera remplacée par Emmerson Mnagangwa lors du Congrès qui se tenait quelques jours après. Malheureusement, avec l’âge, Mugabe n’a plus la même lucidité. On prétend que c’est son épouse Joyce Mugabe qui dirige et se prépare à le remplacer. Les vétérans se sentent humiliés surtout avec l’éviction d’Emmerson Mnagangwa qui était pressenti comme successeur naturel. C’est la goutte qui fit déborder le vase. L’armée s’en mêla le 17 novembre 2017 et contraint Mugabe à renoncer au pouvoir. La rue rejoint l’armée et Mugabe remit sa démission le 21 novembre 2017, laissa le pouvoir à Emmerson Mnagangwa qui était en séjour en Afrique du sud.

Deux ans après, à l’âge de 95 ans, Robert Gabriel Mugabe rendit l’âme dans un hôpital à Singapour, le 6 septembre 2019. Les éloges et louanges fusent du monde entier. Cyril Ramaphosa, président sud-africain, salue un « combattant de la liberté et champion de la cause africaine contre le colonialisme ». Xi Jinping, président chinois, a rendu hommage à un dirigeant « exceptionnel » qui a « fermement défendu la souveraineté de son pays » et a « activement promu l’amitié entre la Chine et l’Afrique ». Vladimir Poutine a souligné que « beaucoup de dates importantes dans l’histoire moderne du Zimbabwe sont liées au nom de Robert Mugabe ». Le Département d’Etat américain écrit : « Nous présentons nos condoléances à ceux qui pleurent la perte de l’ancien président zimbabwéen Robert Mugabe ».Le président namibien, Hage Geingob a dit : « Mugabe était l’extraordinaire combattant révolutionnaire et tenace qui a énormément contribué à la cause de la liberté en Afrique et de la Namibie ». Uhuru Kenyatta, président kenyan, a écrit : « Au nom du gouvernement et de la population du Kenya, et en mon nom propre, je souhaite exprimer nos plus sincères condoléances au gouvernement et à la population du Zimbabwe à la suite du décès de l’ancien président Robert Mugabe ». Pour Energy Mutodi, Vice-ministre de l’information, « C’est un moment douloureux pour le Zimbabwe, pour l’Afrique et le monde entier. Nous sommes très attristés par le décès de l’ancien président. Il était une icône, il était le père fondateur du Zimbabwe ».

  1. SES COMBATS
  • LE PANAFRICANISTE
  • LE PROGRESSISTE
  • LE REVOLUTIONNAIRE
  • L’ANTICOLOIALISTE
  • L’ANTIRACISTE
  • LE COMBATTANT DE L’AUTO DETERMINATION
  • L’INDEPENDANTISTE
  • L’HOMME DU PROGRES SOCIAL
  • L’HOMME DE LA DIGNITE AFRICAINE
  • LE DEFENSEUR DE LA NATURE

Tous ces combats l’amènent à intervenir partout en Afrique où la dignité de l’homme noir est bafouée. Il intervient dans la lutte contre l’Apartheid. Il soutient militairement les noirs sud-Africains. Il apporte son appui à l’indépendance de la Namibie. Il soutient l’adhésion de la RDC à la SADC. Et la guerre d’invasion ayant éclaté, il participe à la déroute des armées rwandaise, ougandaise et burundaise en aventure sur les terres congolaises en entrainant d’autres pays de la SADC (Angola et Namibie) alors que les autres pays sous la houlette de l’Afrique du Sud s’échinent à encourager les virées violentes des voisins de la RDC. Alors qu’il est président de la commission Politique, Défense et Sécurité, il fait adopté une résolution d’intervention de la SADC en faveur de la RDC, les pays hostiles ne l’entendent pas de cette oreille. Mandela, qui est président en exercice, tente de faire de l’intervention des trois pays une intervention à titre individuelle et non une intervention de la SADC. La pression internationale est telle que l’Angola et la Namibie se contenterons d’une intervention a minima en laissant le gros du travail au Zimbabwe. Les Occidentaux ayant décrété la mise à mort du pouvoir de Kabila et la balkanisation de la RDC, voient d’un mauvais œil cette intervention zimbabwéenne. Mugabe le paiera très cher. Il fut acculé à la paupérisation de son pays. La propagande de guerre occidentale était particulièrement fougueuse et rageuse. L’effort de guerre de la RDC et du Zimbabwe était annihilé par les sanctions occidentales et une terrible campagne contre la Mugabe et en faveur de Kagame et Museveni.

Mugabe résista d’une manière intrépide qui force l’admiration. La RDC doit cette ténacité une partie de sa lutte pour son unité et la paix retrouvée.

 

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